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Les Chants d’Auvergne de Joseph CANTELOUBE

Les Chants d’Auvergne de Joseph CANTELOUBE

De l’espace rural à la salle de concert


Mémoire d’Histoire de la Musique

Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris
Classe de Mme Florence BADOL BERTRAND
Mai 2006


REMERCIEMENTS

  • Mme Florence Badol Bertrand, professeure d’histoire de la musique au CNSMDP, qui m’a apporté ses conseils à l’élaboration de ce mémoire.
  • M Jean-Louis Jam, professeur d’histoire de l’art à l’université de Clermont-Ferrand.
  • M André Ricros, folkloriste, cabrettaïre et directeur de l’Agence des Musiques Traditionnelles d’Auvergne à Riom (Puy-De-Dôme).
  • Ma Maman, qui a lu puis relu avant de lire à nouveau sans oublier de relire encore et encore…

SOMMAIRE

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Les Chants d’Auvergne de Joseph Canteloube sont des mélodies pour voix et orchestre en langue occitane. Au nombre de trente, ils sont répartis en cinq séries dont les publications s’étalent de 1924 à 1955. Ces pièces, qui connurent un succès certain jusqu’à nos jours, apparaissent presque toutes sous la forme de simples relevés dans l’Anthologie des chants populaires français du même auteur, sommet des publications de chansons traditionnelles. Canteloube a récolté des mélodies populaires en milieu rural avant de se les approprier pour les harmoniser et les orchestrer.

Les raisons qui ont pu conduire Canteloube à écrire les Chants d’Auvergne seront recherchées, ainsi que leurs racines afin de prendre conscience du cheminement intellectuel et artistique du compositeur. Certains aspects intéressants à l’approche de ces Chants sur les plans analytique, mélodique, textuel et ethnomusicologique seront ensuite développés. Enfin, suite au constat que la démarche adoptée ne fut pas sans soulever un débat avec les folkloristes, l’ébauche de quelques réflexions sur la rencontre entre musique traditionnelle et musique savante complétera cet exposé.

1 – GENÈSE D’UN ITINÉRAIRE

1.1 LES PRÉCURSEURS

1.1.1 En France

  • Vers la première moitié du XIX ème siècle, l’attention publique est attirée sur les chansons populaires par des écrivains tels que Chateaubriand (Mémoires d’Outre Tombe), Balzac (Béatrix), Gérard de Nerval (Sylvie), George Sand (La Mare au diable, Les Maîtres sonneurs)… qui en insèrent dans leurs œuvres des fragments plus ou moins importants 1 ;
    quelques-uns de ceux-ci obtiennent dès l’abord un succès de curiosité. Des chercheurs spéciaux s’occupent alors de réunir et de publier ces chansons, qu’il leur faut aller recueillir dans les provinces de la bouche des paysans.
  • Cette tendance est institutionnalisée en 1852 par le décret « Fortoul », ministre de l’instruction publique sous Napoléon III. Accompagné des Instructions de Jean-Jacques Ampère sur la manière de procéder pour collecter ce patrimoine, ce décret met au rang de mission d’intérêt public la « cueillette » des poésies et chants traditionnels. Cette initiative débouche en 1877 sur le dépôt à la bibliothèque nationale de six volumes de Poésies populaires de la France, compilées par des hommes de bonne volonté mais incapables de relever des fragments musicaux ou simplement désintéressés par cet aspect.
  • Cependant, l’idée va faire son chemin parmi plusieurs générations de folkloristes. Avec son recueil de Chants populaires des flamands de France paru en 1856, Coussemaker est l’un des premiers à académiser cette activité jalonnée de nombreuses publications et de collectes plus ou moins fructueuses.

1.1.2 En Auvergne

  • L’Auvergne est bien moins représentée que d’autres régions, comme la Bretagne et le Pays Basque par exemple, qui comptent de nombreux collecteurs. A l’orée du XX ème siècle, seul semble exister l’Album auvergnat de l’éminente figure régionale Jean-Baptiste Bouillet, né à Clermont en 1799 et mort à Cluny en 1878.
  • Cet ouvrage présente une danse caractéristique pour plusieurs villes et villages du Puy de Dôme : ainsi, la bourrée de Riom, celle dansée à Thiers… Les relevés musicaux alternent avec treize gravures représentant les danseurs en costumes, qui possèdent également leurs singularités. Puis le recueil se poursuit par une liste de musiciens auvergnats parmi lesquels des troubadours comme Pierre Rogiers, Gauselme Faydit, Pierre d’Auvergne (Pèire d’Alvèrnhe), le moine de Montaudon ou les Dauphin d’Auvergne, comtes et seigneurs de Clermont au XII et XIII èmes siècles. Enfin, des poésies ou des contes en patois, doublés de la traduction française, terminent ce singulier album d’un précurseur en la matière 2.
  • On peut également considérer la parution chez Heugel en 1907 des Chants d’Auvergne de Marius Versepuy qui se limite à la vogue bien légitime de la notation scrupuleuse et du classement raisonné des mélodies.

1.2 LE CHEMINEMENT D’UN MUSICIEN

1.2.1 Le hasard des origines

  • Né en 1879 à Annonay en Ardèche, sur les terres familiales de sa mère, Joseph Canteloube n’aurait peut-être pas eu de traitement de faveur pour les chants populaires d’Auvergne : c’est le décès en 1892 de sa grand-mère paternelle restée veuve qui pousse ses parents à habiter la demeure de Malaret dans le Lot, aux confins du Cantal. Fils unique d’un important banquier, Joseph découvre la vie à la campagne à quatorze ans, après sa scolarité à Oullins près de Lyon.
  • Françoise Cougniaud-Raginel indique dans sa thèse qu’il commence à collecter des chants populaires en 1895 3. Il est difficile de déterminer la cause de son intérêt : son éducation familiale, sa scolarité ou la rencontre fortuite d’ouvrages déjà existants.

1.2.2 Les premiers travaux

Les premiers relevés de Canteloube aboutissent à la publication en 1907 de trois recueils intitulés « Chants paysans de Haute-Auvergne et de Haut-Quercy ». Le premier comprend dix-sept chansons de danse et le second, treize chansons de plein vent (c’est-à-dire d’extérieur) pour voix et accompagnement de piano. Le dernier recueil regroupe cinq chants religieux de Haute Auvergne pour quatre voix mixtes a capella. Six des Chants d’Auvergne seront issus des deux premiers recueils de 1907 dont les trois bourrées et le fameux dialogue de bergers de la première série créée en 1925.

1.2.3 Les influences

  • Au XIXème siècle, les civilisations originelles des peuples barbares, étouffées par la domination gréco-romaine puis par le christianisme, fascinent les esprits. Napoléon Bonaparte lui-même s’adonne à la lecture des Contes du barde Ossian, dont le néo-druide écossais James Macpherson s’attribue la découverte et la traduction du gaélique. L’empereur soutient l’Académie celtique, fondée en 1804 par des intellectuels en majorité francs-maçons qui se donnent pour mission de retrouver le passé de la France, de recueillir les vestiges archéologiques, linguistiques et coutumiers de l’ancienne civilisation gauloise. Elle perdure aujourd’hui sous le nom de Société nationale des antiquaires de France (antiquaire au sens de l’Antiquité) et se réunit tous les mercredis au pavillon Mollien du Louvre.

Ce retour au passé en se repliant sur ses origines devient une réaction d’autodéfense culturelle face aux rapports conflictuels avec l’Allemagne.

  •  De 1907 à 1914, Canteloube suit les cours de composition à la Schola Cantorum ou il profite de l’enseignement donné par Vincent d’Indy. Il découvre le traitement orchestral au contact du monde musical parisien et se lie d’amitié avec Déodat de Séverac qui l’encourage, comme son maître d’Indy, à s’inspirer de la musique régionale. Nombreux sont les compositeurs de cette époque qui s’en inspirent mais l’emploi de citations ou d’imitations de mélodies traditionnelles est plus fréquente encore chez les compositeurs de la Schola Cantorum : Vincent d’Indy montre l’exemple avec sa Symphonie sur un chant montagnard pour piano et orchestre, utilisant un thème populaire cévenol. Charles Bordes s’inspire du pays basque, Paul Le Flem de la Bretagne, Castera du Béarn, Maurice Emmanuel de la Bourgogne, Séverac du Languedoc et de la Catalogne, suivant leurs attaches respectives. Ces procédés sont le reflet d’un fort régionalisme et de la conscience d’une diversité culturelle à faire connaître et survivre.

Canteloube restera attaché toute sa vie à cette esthétique conservatrice qu’il oppose à « l’exotisme » des impressionnistes et du Groupe des six influencés par le jazz, puis plus tard, aux révolutions de l’Avant-garde post-sérielle 4. Ainsi, il se consacre en marge de ses exécutions pianistiques à de nombreuses conférences sur les expressions populaires et à des émissions radiophoniques sur la musique française dès 1924 sur les ondes de la TSF. Auprès d’Alfred Cortot en 1940, il est sans doute à l’initiative de la formation des animateurs de chant choral pour les écoles et les Chantiers de jeunesse 5.

  • Il se trouve que la politique culturelle de l’Etat français du gouvernement Pétain dans l’esprit de la Révolution Nationale concorde avec la pensée de Canteloube, propagée durant plus d’un siècle par les esprits des bourgeois romantiques. Le mythe plus ou moins fantasmatique du Peuple créateur s’articule sur l’origine d’une expression typiquement nationale, voire raciale.
  • Canteloube a sans doute connaissance des travaux ethnomusicologiques de Bartok et Kodaly sur le folklore magyar. D’ailleurs, il écrit en 1927-29 Six danses roumaines pour piano sur des mélodies recueillies par Michel Vulpesco. Elles font immanquablement référence à celles que Bartok écrit en 1915.

1.2.4   La composition

  • Églogue d’Automne (1909), Au printemps (1914), et Triptyque (1914) initient Canteloube au mariage de la voix et de l’orchestre mais c’est surtout avec son premier opéra « Le Mas » (1910-13, livret du compositeur) qu’il réalise un pas décisif. Ce drame, représenté entièrement en 1929, reçoit le prix Heugel en 1925. Il y révèle son amour pour le monde rural et utilise savamment l’orchestre pour dépeindre le paysage et l’atmosphère qui s’en dégagent.
  • D’autre part, il fait preuve d’un grand intérêt pour l’occitanisme, qui le ramène à ses origines. Frédéric Mistral et un groupe de poètes ont fondé en 1854 le Félibrige : un organisme visant à restituer à la langue provençale son rang de langue littéraire.

En 1922, Canteloube écrit six mélodies sur des textes en occitan du félibre Antonin Perbosc. Ce cycle pour voix et piano a pour titre général « l’Arada », la terre.

  • Son écriture pour piano, chargée, dense est à rapprocher du piano de Liszt. Canteloube qui a reçu dans son enfance l’enseignement d’Amélie Doetzer, une élève de Chopin, est par ailleurs un excellent pianiste. Le médium de l’orchestre s’impose donc facilement pour les Chants d’Auvergne, mais il garde le goût d’écrire pour son instrument.

L’utilisation du piano dans l’orchestre lui permet de prendre part à l’exécution des Chants d’Auvergne dont il confie la direction à Gabriel Pierné.

  •  En 1924, paraissent les deux premières séries des Chants d’Auvergne, qui seront suivies des trois autres en 1927, 1932 et 1955.

2 – COLLECTE DES CHANTS POPULAIRES

2.1 UN HÉRITAGE DU PASSE

  • Les thématiques des Chants d’Auvergne peuvent être rattachées à un lointain héritage : c’est le cas de cette petite scène légère et narquoise entre une bergère et un cavalier (chevalier ?), décrite dans La Pastrouletta è lou chibaliè (la bergère et le cavalier) de la deuxième série ; ce scénario est en effet typique d’une pastourelle de troubadour.
  • Bien sûr, les chants populaires comme timbre, ne sont pas datés et peuvent s’être transmis oralement durant plusieurs décennies. On peut émettre l’hypothèse qu’ils aient des liens dans le passé avec l’art des troubadours ou peut-être des chansonniers de la Renaissance. Des liens d’ordre sémantique mais peut-être aussi musicaux : l’Essai sur la Musique de La Borde présente une mélodie d’Auvergne et malgré des dissemblances textuelles et mélodiques, on reconnaît facilement Quand z’eyro petitoune (Quand j’étais petite) de la cinquième série. L’ouvrage de La Borde datant de 1780, on est sûr que Canteloube relève un chant qui circule, malléable, depuis près de deux siècles.

2.2 LE RELEVÉ DES CHANTS

  • Presque tous les Chants d’Auvergne apparaissent dans l’Anthologie des chants populaires français sous la forme du relevé, c’est-à-dire la voix seule notée, avec les paroles. Cet ouvrage publié en 1949 est couronné par l’Académie des Beaux-arts en 1951. Il vient faire le pendant musical au recueil des poésies populaires, fruit du décret « Fortoul ». En quatre volumes de sept ou onze fascicules chacun, l’Anthologie regroupe 1200 chants populaires français, classés par province. Une préface à chaque fascicule fournit des particularités propres à la région concernée, tant sur le plan musical qu’historique, ethnographique, géographique, climatique…mises en relation les unes avec les autres. Le découpage géographique retenu par Canteloube est celui des provinces de l’Ancien Régime. Si certains spécialistes ne le trouvent pas pertinent, cette classification répond à la volonté qu’on peut trouver subversive de souligner la diversité du paysage musical français. Toutefois, Canteloube ne se prive pas d’élargir sa pensée en écrivant en 1947 dans un ouvrage théorique, Les chants des provinces françaises : « De même que les traditions populaires provinciales, régionales, ne sont que des variantes de l’ensemble des traditions de la nation, de même les traditions des différentes nations ne sont guère que les variantes d’un ensemble de traditions universelles, humaines. »
  • On retrouve donc la trace des Chants d’Auvergne, principalement dans le fascicule consacré à la Haute-Auvergne et la Basse-Auvergne mais aussi dans celui des provinces limitrophes : le Quercy et le Rouergue (équivalents respectifs du Lot et de l’Aveyron).

 Il existait, avant le découpage révolutionnaire de 1790, une Basse-Auvergne, le Puy-de-Dôme actuel, et une Haute-Auvergne, le Cantal. La distinction est ancienne, puisqu’on sait qu’en 972 l’évêque d’Auvergne désigne Aurillac comme seconde capitale de son diocèse, après Clermont, consacrant ainsi la division entre « haut » et « bas » pays.

  • La présence d’un index classant les chants par leur incipit facilite les recherches mais parfois, et c’est le cas pour Hé ! Beyla-z-y dau fé !  (Donne-lui du foin !), bourrée de la cinquième série, le titre retenu pour les Chants d’Auvergne ne correspond pas à celui noté dans l’Anthologie. L’interchangeabilité des textes semble surtout pratiquée avec les bourrées sur l’air desquelles il est de bon goût d’improviser des paroles circonstancielles. En considérant la mélodie seule, les recherches s’avèrent plus difficiles car il n’existe pas de classement par incipit musicaux. De même, In un frais boucagé (Dans un frais bocage), bourrée de Tauves relevée dans l’Anthologie par Canteloube et par Bouillet également, présente une grande similitude mélodique avec N’aï pas iéu de mîo (Je n’ai pas d’amie).

Canteloube indique pour la plupart des Chants d’Auvergne le lieu de leur collecte. Outre l’Anthologie des chants populaires français citée précédemment, on retrouve ces données dans les recueils édités par l’association parisienne La Bourrée, co-fondée par Canteloube en 1925. Parfois, la date du relevé et l’identité du chanteur y sont précisées.

2.3 LES LIEUX D’ORIGINE

Déterminer l’origine d’un chant, le point de départ de sa genèse est plus difficile que situer le lieu de sa collecte. Mais, comme le dit Canteloube « ce n’est pas tant la création d’une chanson qui importe, que sa transmission. Celle-ci est, en effet, la véritable cause de l’intérêt, de la grandeur et de la beauté des chants populaires. C’est durant cette transmission que le peuple leur imprime ses propres caractères, par une série de modifications, par une sorte de création collective, comme on l’a dit parfois. Quel qu’ait pu être, jadis, l’auteur d’une chanson, celle-ci s’est transmise oralement, de bouche à oreille, de mémoire en mémoire, d’une ville, d’un château ou d’un village à un lieu voisin, de ce lieu à d’autres et d’une génération aux suivantes. Cela se fit par les trouvères, les troubadours, les jongleurs, les ménestrels, les pèlerins, les mendiants, les colporteurs, les soldats, les compagnons et les voyageurs de toutes sortes. » 6

Le texte apporte parfois des détails précis qui pourraient aiguiller le chercheur : des noms de lieux par exemple ou des indices topographiques. C’est le cas pour la scottish (du nom d’un pas de danse) intitulée l’Aïo dè rotso, l’eau de source. Il est question d’une source dont il ne faut pas boire l’eau sous peine d’en mourir (mais c’est surtout l’occasion d’y préférer le vin). On peut émettre l’hypothèse que la mélodie n’ait pas accompagné un texte très différent car cette danse est partout connue sous son titre. Canteloube nous apprend qu’il l’a relevée à Collandres, au pied du puy Violent. Or, le ruisseau de Cheylat y prend sa source mais ce peut être un simple hasard.
Il en est de même pour N’aï pas iéu de mîo dans laquelle il est question du « pont d’Entraygues » (aygue dérive d’aiga qui signifie « eau ») : nous pourrions être tentés de dire qu’il s’agit d’Entraygues, hameau de la commune de Boisset (près de Maurs, dans le Cantal), situé entre deux rivières, Rance et Moulègre. Cependant, « Entraygues » apparaît si souvent dans les noms de lieux situés près d’une rivière et le nombre de rivières tellement important ! Ce genre a du être colporté facilement d’une localité à l’autre par les chanteurs, violoneux et cabrettaïres, attirés par les fêtes et les foires, occasions pour la danse. Par ailleurs, une indication sur la partition fait état de la ville de Tauves…
On ne peut donc pas conclure sur son origine.

2.4 LE CLASSEMENT DES CHANTS

  • Chaque chant fait référence à une scène de vie : ainsi trouve t-on dans la première série un chant de bergère, un dialogue de bergers (ou baylères), et dans la troisième série, un chant de fileuse, un chant de labour et une berceuse…
  • Canteloube, comme les folkloristes Patrice Coirault et Julien Tiersot, et bien qu’il se défende d’en être, tente d’élaborer une typologie afin de classer les chants relevés, voire de créer une grille de critères permettant d’identifier la fonction d’un chant. Car les raisons de chanter sont nombreuses et variées dans les campagnes avant l’arrivée de l’électricité et des médias. La dimension proprement vocale du chant dans un cadre de plein air, ne leur est sans doute pas spécifique mais elle est particulièrement ambiante dans les régions montagnardes et pastorales du Massif central. Et, dans cette acception, le chant n’est sans doute que l’ornement supplémentaire d’une expression vocale procédant d’une oralité omniprésente dans ce monde-là, qui va du murmure à l’oreille au cri remplissant le vallon. Remplir l’espace et le vérifier de sa voix, qu’on ait le front adossé contre la panse de la vache pendant la traite ou qu’on appelle les bêtes le soir au clédou (petit portail) du pacage, voilà une des dimensions prégnantes du « chanter »7.

3 – APPROCHE DES CHANTS D’AUVERGNE

3.1 UNE CRÉATIVITÉ ORIGINALE

  • La pastoura als camps (La bergère aux champs) étonne par sa mesure à cinq temps, irrégularité sans doute due au texte : par ses accents, il conditionne la mélodie et son rythme. Les associations des bois s’avèrent essentielles pour l’évocation champêtre : l’exergue est confié à une flûte doublée d’un basson, une clarinette au milieu et une tenue au cor, le tout sur un tapis de cordes en sourdines. Après une transition au basson, la voix fait son entrée, accompagnée des alti en doubles-cordes formant un bourdon en quinte, décalé rythmiquement d’une croche pour renforcer le flottement de la mesure impaire. Le piano apporte des petites touches lumineuses dans l’aigu puis donne du mouvement dans le 3/8 qui suit.

La mélodie, constituée de trois incises musicales est reprise cinq fois en tout. Elle est présente dans le tome de l’Anthologie des chants populaire français consacrée à la Haute-Auvergne sous le titre de son incipit : Qu’on lo postouro s’en bo’oy chomps (Quand la bergère s’en va aux champs). Huit couplets ont été relevés et sont présentés sous les portées. Bien souvent, Canteloube n’utilise pas dans les Chants d’Auvergne tous les couplets existants pour des raisons évidentes : il lui faut veiller à ne pas lasser l’auditeur, mais c’est un des points que pourront lui reprocher les folkloristes. Dans cette pièce en particulier, le retrait de trois couplets ne perturbe pas la compréhension du récit. Dans certains, le retrait s’avère même avantageux en évitant des redites mais parfois, le dénouement est rendu difficile à saisir comme dans Jou l’pount d’o Mirabel (Au pont de Mirabel) de la quatrième série, amputé de cinq de ses huit couplets (seul les deux premiers et le dernier subsistent).

  • C’est la même volonté d’apporter du changement qui conduit Canteloube à moduler et à transposer la mélodie un ton en dessous lors du troisième couplet, une quarte en dessous lors du quatrième avec en plus une variation mélodique (octaviation du ré). Le dernier couplet revient dans la version initiale. Bien que ce procédé puisse s’expliquer par l’action narrative, rien ne semble indiquer que ces variations fassent état d’une pratique dans la tradition orale.

Toutefois, il n’abuse pas de la transposition et utilise plus efficacement l’orchestration pour typer les couplets qui s’opposent par leur caractère.

Les changements de tempo qui interviennent ici peuvent fort bien se justifier : la langueur des regards du monsieur explique un léger ralenti avant le « vite » du couplet où la bergère va tromper le prétendant et le « très vite » où elle lui échappe.

Les transitions entre les couplets sont plus ou moins longues : entre les deux premiers, il s’agit d’évoquer le pas du « moussurèt » qui arrive pour faire la cour à la bergère par des appuis binaires des cordes en pizz dans le grave.

Sur le plan des motifs et des petites cellules qui accompagnent la mélodie, il s’agit de renforcer le sens du texte : ainsi, un motif plaintif de trois notes descendantes accompagne la demande du galant au troisième couplet tandis que trilles et gammes fusées évoquent la fuite de la bergère à la fin (métaphore de la perdrix).

3.2 UN SAVOIR-FAIRE EN HARMONISATION

Tout le travail du compositeur qui veut s’approprier ces mélodies réside à trouver la juste limite entre le « trop » et le « trop peu » : il ne s’agit ni de surcharger l’accompagnement en dénaturant le chant, ni de vouer l’orchestre à une simple harmonisation de salon. Canteloube veut « mettre les chants en valeur dans leur cadre » : cadre nouveau, certes, dû à l’extraction des chants de leur contexte originel qui les rend autonomes mais cadre respectueux, restitutoire de ce contexte. Il s’agit donc d’évoquer sans trop s’immiscer.

  • Le célèbre Baïlero offre un bel exemple du savoir-faire de Canteloube. Ce chant connaîtra quatre versions : outre la version orchestrale de 1924 et celle avec piano qui existe pour tous les autres chants également, Canteloube en propose une pour voix, quatre ondes Martenot et deux pianos en 1937 et une autre pour voix de soprano, voix de ténor et chœur mixte, datant de 1941. C’est le plus long des Chants d’Auvergne. Canteloube le présente ainsi : « Les plus beaux de tous les chants sont les chants appelés bayléros, dialogues de bergers. D’un sommet à l’autre, les bergers se répondent, se renvoyant la mélodie à pleine voix à des distances parfois très grandes. Le chant est ainsi porté par la brise au dessus des rivières, vallées et collines et fait corps avec le paysage, avec la nature à qui il emprunte la plus grande partie de sa poésie. Le dialogue est souvent improvisé sur les notes invariables de la mélodie : tantôt c’est un chapelet d’injures, tantôt de plaisanteries, tantôt un dialogue amoureux, tel celui que je recueillis près de Vic-sur-Cère (Cantal). Une jeune bergère chantait tout près de moi derrière une haie, sans me voir. Un berger lui répondait d’infiniment loin, dans le calme absolu des hauts sommets, par un admirable crépuscule d’été ». 

Dans l’Auvergnat de Paris, Raymond Cortat commente le résultat en ces termes : « Cette harmonisation nous restitue les bruits qui peu à peu vont s’estompant avec les formes et les couleurs du paysage : rumeurs de torrent, sonnailles de vacades, appels des faneurs sur les pentes assombries, cris d’un bouvier qui gourmande un indolent attelage, et l’innommable vielle de cristal que font éperdument sonner les grillons, et aussi le reflet des dernières lueurs dont s’empourprent un moment les cimes, la floraison des brumes bleuissantes, aux profondeurs de la vallée,enfin, sur tout cela la grande anémone soufrée de la lune tout à coup épanouie en sa splendeur… » Cette analyse est bien sûr subjective et chacun se fera la sienne propre mais le pari n’est-il pas relevé ?

  • La bourrée N’aï pas iéu de mîo entretient une ambiguïté entre binaire et ternaire que Canteloube met à profit pour varier son accompagnement. Une alternative à la transposition est l’harmonisation différente d’une même mélodie. Il se trouve que celle-ci peut être entendue aussi bien en majeur que dans le ton relatif mineur, utilisé dans le couplet central. Une transition où le hautbois joue à nouveau le rôle de la cabrette ramène la dominante du mode majeur avant le dernier couplet et une vigoureuse coda.

3.3 UNE IMITATION DES INSTRUMENTS TRADITIONNELS

  • Parfois, Canteloube met à profit son habileté d’orchestrateur pour imiter des instruments traditionnels d’Auvergne comme la cabrette (cornemuse auvergnate dont le réservoir est en peau de jeune chèvre, « cobreto » en patois) ou la vielle à roue.
  • C’est particulièrement visible dans la bourrée Ound’onorem gorda  (Où allons-nous garder ?) : la tenue de la clarinette qui termine l’interlude est reprise par le basson. La clarinette réalise un motif sinusoïdal sur une octave avec la quinte interne et la flûte ajoute un battement sur la quinte pourvu de petites notes jamais placées au même endroit et qui accroissent la sensation du frottement de la roue sur la corde de la vielle. Les harmoniques des contrebasses et des violoncelles et les pizzicati des violons participent à la constitution de ce timbre orchestral qui peut faire penser à une vielle avec le rebondissement du poignet sur la troisième croche de la mesure. Canteloube prend la précaution de déphaser de deux mesures les relais entre les pupitres de flûtes et de clarinettes. Il les estompe à chaque fois par une petite cloche au piano. Le hautbois donne la mélodie avec des ornements à la façon d’une cabrette. Une autre disposition, plus discrète, succède à l’entrée de la voix.
  • Lors des interludes séparant les trois bourrées qui terminent la première série, le soliste, clarinettiste ou hautboïste y déploie deux techniques couramment employées par le cabrettaïre : le rappel de la fondamentale par picotage et le motif d’appel.

La cabrette est une cornemuse sans bourdon ou plutôt dont le bourdon est obturé. Cette suppression du bourdon, caractéristique des autres cornemuses a permis d’utiliser la note dominante grave à la fois comme effet rythmique et comme pédale harmonique : c’est la technique du « picotage ». Le doigté est également essentiel. Chaque note est vibrée, accompagnée d’appoggiatures. Différents doigtés et articulations permettent de mettre l’accent sur une note, de donner la cadence ou des nuances au morceau interprété. Les morceaux débutent en général par un « appel », une sorte d’introduction qui permet de prévenir que l’on va commencer à jouer et qui donne le tempo du morceau. C’est une signature personnelle car les musiciens ont chacun leur propre façon de faire « l’appel » et « le final » de leurs morceaux.

3.4 LA TRADUCTION D’UNE ATMOSPHÈRE

  • Obal din lou Limouzi (Là-bas dans le Limousin) qui termine la première série, est une bourrée festive que Canteloube relève à l’occasion d’une fête votive. Le texte témoigne d’une joute entre un auvergnat et une femme du limousin cherchant à vanter les beautés des épouses, les tendresses et la fidélité des maris de leurs contrées respectives. L’animation croissante s’accompagne d’un emploi des diminutions par le hautbois puis les clarinettes qui interviennent entre les couplets. Le caractère enjoué justifie l’emploi du tambour de basque.
  • L’orchestre requis pour la deuxième série est renforcé par la présence d’un cor anglais dans quatre des six pièces, d’un piccolo et d’une trompette supplémentaires pour l’Antouèno (l’Antoine). Cette seconde pièce jouit de l’effectif le plus important de tous les Chants d’Auvergne, justifié par l’atmosphère de foire dont il est question dans le texte et que Canteloube choisi de dépeindre. On reconnaît qu’il s’agit d’un chant d’extérieur au petit ambitus de la voix (une quinte), aux longues tenues, au style recto tono qui caractérisent aussi les chants de bergers et aux modulations rapides des hauteurs que partage le jodler tyrolien. La luxuriance orchestrale obtenue par les tremolos des cordes divisées, les trilles et traits fusés contraste avec la mélancolie de la pièce qui précède et la légèreté de la chanson de bergère qui suit.
  • La Pastourelle qui ouvre la série possède une remarquable prosodie. Un dialogue s’établit, peut-être entre un père et sa fille placés de part et d’autre d’un cours d’eau qui les empêche de se rejoindre. Le timbre du grave de la clarinette, les cordes en sourdine et les lignes descendantes rendent une atmosphère assez sombre. On ressent le creux de la vallée où mugit le ruisseau à la fin du premier couplet avec le roulement de timbale, la nappe diffuse des cordes en sourdines et l’appel de quarte ascendante du cor auquel répond le basson, après l’arabesque de la flûte. La réponse de la jeune fille est plus lumineuse. Tandis que les bois dessinent les mouvements du ruisseau, la couleur de « la majeur » exprime la naïveté de la jeune fille, ou si l’on préfère sa ruse.
  • La Délaïssado (la délaissée) est le chant d’amour d’une bergère attendant jusqu’au soir son amant qui ne vient pas au rendez-vous. Sa solitude est rendue par les mélopées du cor anglais, du basson et du hautbois dont les syncopes angoissantes aboutissent sur une tension harmonique. Le désespoir s’accompagne des lamentations de la voix qui utilise des vocalises et la rancœur est présente dans la terminaison de la phrase qui reste suspendue sur un do. Au dernier couplet, le narrateur reprend la parole en étirant les valeurs. L’orchestration éthérée accompagne la tombée de la nuit et l’apparition d’une étoile qui scintille au piano.
  • La caille, Lo Calhè est pour Canteloube l’occasion d’une évocation directe de l’oiseau avec l’emploi du rythme pointé, caractéristique de son cri. Le coté burlesque est apporté par l’utilisation des cuivres, notamment les trilles des cors, les batteries très serrées de la trompette et le crépitement des cymbalettes du tambour de basque. L’harmonisation des bourrées reste assez sobre, utilisant les pédales, l’alternance des degrés principaux à l’état fondamental. Ici, le dernier couplet est harmonisé sur une descente chromatique d’accords de septièmes qui n’appartient pas au langage populaire et que ses détracteurs peuvent lui reprocher. Mais encore une fois, Canteloube doit passer au-delà d’une simple reconstitution pour contenter le public des grandes villes.
  • Lo Fiolaire, la fileuse, est un titre donné par Canteloube au premier chant de la troisième série. Dans le texte, rien n’indique qu’il accompagne le labeur d’une femme assise devant son rouet. Pourtant, un élément mélodique, sorte d’arabesque rapide sur les glossolalies « Tiliroulirouli » est la marque d’un chant de fileuse, en évoquant le tournoiement du fuseau.

On retrouve cette caractéristique dans Pastouro sé tu m’aymo (Bergère si tu m’aimes) de la cinquième série. Toutefois, on peut se demander si Canteloube n’a pas typé volontairement ces chants de façon à les classer dans un nouveau tiroir, pour satisfaire son imagination romanesque.

  • Passo pel prat (Viens par le pré) est un chant nommé « grande ». On appelle « grandes », en Auvergne, des mélopées extrêmement lentes et rudes qui, pour la plupart, n’ont pas d’autres paroles que les « Lo, lo, lo » psalmodiés à pleine voix ; elles sont les chants de labour par excellence car leur mouvement s’harmonise à merveille avec le pas lourd et lent des bœufs au travail. Ici, en dépit de la lourdeur évoquée, la chaleur ne manque pas : elle émane à la fois de la mélodie et de l’orchestration, qui fait du piano un élément rythmique essentiel de l’accompagnement.
  • La berceuse Brezairola est un som-som : c’est ainsi qu’on appelle les berceuses dans cette partie du sud de la France. Ce sont des imprécations au sommeil pour que l’enfant s’endorme. L’atmosphère de l’alcôve y est très habilement suggérée. On retrouve le même esprit dans Pour l’enfant, autre berceuse de la quatrième série.

3.5 À PROPOS DE LA BOURRÉE

  • Plusieurs bourrées telles que Obal din lou Limouzi ou Malurous qu’o uno fenno (Malheureux qui a une femme) incitent à se pencher sur ce type de chant dansé. On a fait à la bourrée une réputation – qui tend aujourd’hui à disparaître, – de lourdeur et de vulgarité, réputation basée sans doute sur des observations incomplètes ou des communications inexactes. Car loin d’être grossière, la bourrée est au contraire très gracieuse. Il en existe deux sortes principales : la bourrée à trois temps et celle à deux temps.

Entre les deux Auvergne (Haute et Basse), subsiste une contradiction absolue au sujet de la bourrée. En Basse-Auvergne, on appelle la bourrée à deux temps, la bourrée française, alors que celle à trois temps est appelée Montagnarde ou bourrée de la montagne. En Haute-Auvergne on nomme bourrée d’Auvergne celle à trois temps alors que celle à deux temps, qui y est presque inconnue, est appelée Montagnarde.

  • Pour la bourrée à trois temps la plus répandue, deux phrases musicales d’égale longueur (quatre mesures) sont jouées deux fois chacune. La première phrase est reprise plus fort, pour avertir les danseurs que l’on passe à la deuxième, nommée la « tourne » parce que les danseurs exécutent des mouvements différents. La tourne terminée, la bourrée reprend sans interruption de nombreuses fois de suite, ou plusieurs bourrées sont jouées successivement.

Quatre danseurs sont nécessaires et les « figures » n’existent pour ainsi dire pas, car on ne peut guère appeler « figures » les croisements ou mouvements divers mais simples qui sont exécutés.

Comme la plupart des danses primitives, elle exprime, en une mimique naïve, le caractère de l’homme et de la femme, l’attrait des sexes. L’homme danse fièrement, parade autour de la femme ; il frappe du pied comme pour montrer sa force et de temps à autre jette un cri aigu. La femme, elle, danse avec coquetterie, cherche à attirer l’homme ; approche-t-il, elle s’effarouche de son désir et l’évite, pour l’appeler de nouveau lorsqu’il s’éloigne. Poursuite amoureuse, force et ruse, telle est la signification de la bourrée. Au XVIIème siècle, époque où régnaient pourtant la pavane, la gavotte et le menuet, danses gracieuses s’il en fût, Mme de Sévigné écrivait pendant un séjour en Auvergne, en 1696, que les bourrées étaient « les plus jolies du monde » : « Il y a beaucoup de mouvement et l’on se dégogne extrêmement. Mais si on avait à Versailles de ces sortes de danses, en mascarade, on en serait ravi par la nouveauté, car cela passe encore les bohémiennes… Tout mon déplaisir, c’est que vous ne voyiez point danser les bourrées d’Auvergne ; c’est la plus surprenante chose du monde… »

  • Toute autre est la Montagnarde, à 2/4. Si la première est gracieuse, légère, celle-ci est rude et n’est dansée qu’entre hommes. Tandis que la bourrée précédente ne comporte pour ainsi dire pas de figures, celle-ci en comprend un grand nombre de très caractérisées et sous ce rapport n’est pas sans analogie avec le quadrille, tout en ne lui ressemblant que de très loin. Cette bourrée est comme martelée à coups de talon, ponctuée de cris sauvages, et, en la voyant danser dans la Haute-Montagne, par des hommes seuls, le bâton suspendu par une lanière de cuir au poignet, faisant des gestes fiers, on ne peut s’empêcher de songer à des guerriers mimant leur joie après la victoire et célébrant leur triomphe et la pensée remonte, à travers les siècles jusqu’à leurs ancêtres, les héroïques Arvernes, dont la race puissante a suscité Vercingétorix.
    C’est bien certainement d’une antique danse guerrière que provient la Montagnarde, certaines de ses figures le prouvent. Aussi, bien que n’ayant pas la grâce et le charme de la bourrée à 3/8, est-elle plus curieuse à voir danser. Le rythme est encore davantage accusé et présente une allure guerrière, héroïque, indéniable 8.
  • Il n’y a pas d’exemple de Montagnarde à deux temps parmi les Chants d’Auvergne mais on en découvre de courts fragments musicaux dans l’Anthologie.

3.6 UNE UTILISATION JUDICIEUSE DES MOTS

La forme strophique prédomine dans les chants populaires : une même mélodie est reprise autant de fois que le chanteur ou la chanteuse connaît de couplets, de strophes. L’intérêt du texte peut être la narration de faits, l’exposition d’une morale ou simplement un jeu avec l’auditeur : c’est le cas des chansons d’accumulation comme Oï ayaï. L’attention se porte sur le seul mot différent de chaque strophe : le nouvel élément vestimentaire d’une paresseuse qui ne veut pas se lever. Ils sont tous cités dans l’ordre d’apparition à la fin. On retrouve ce jeu de mémorisation dans Alouette, gentille alouette qui se fait plumer la tête, puis le bec…

  • Quelquefois, des reprises textuelles forment un élément de refrain plus ou moins long. Dans Tchut, tchut, seul le début de chaque strophe varie et forme le couplet. Le récit repose sur ces couplets tandis que le refrain, chaque fois identique, est une mise en garde de discrétion à l’auditeur avec les onomatopées « tchut, tchut ». En nommant ce chant ainsi, Canteloube répond à l’habitude de prendre le début du refrain pour titre d’un chant et non l’incipit du couplet.
  • La Pastorale possède les caractéristiques vocales du baylère : le dialogue entre deux personnages éloignés, le style recto tono, quelques modulations rapides du port de voix. Le contenu sémantique ne laisse subsister aucun doute sur son caractère champêtre. On retrouve donc les ondulations à tous les étages de l’orchestre qui donnent une sensation d’espace et les pépiements d’oiseaux (coucou à la clarinette, caille au piccolo reprise en écho au piano).
  • Lou coucut (le coucou) est à rapprocher de Lou boussu (le bossu) par son style. La tierce descendante typique du coucou sert bien sûr de motif d’accompagnement. Elle est bientôt caricaturée par les cors bouchés, à intervalle de seconde. Dans le refrain, par la diminution rythmique, réside un jeu de prononciation. Les allitérations des « te » et « ke » de « coucut » forment des sonorités attrayantes, un peu percussives.

Les Chants d’Auvergne ne sont pas de la poésie : il n’y a pas de vers rimés à nombre égal de syllabes. Toutefois, les assonances sont nombreuses et forment parfois des rappels sonores avec une impression de rimes, jamais systématiques : les deux premiers « vers » terminent par « auzel » puis « to bel » dans le premier couplet ; par « del prat » et « gronat » dans le second mais dans le troisième, la rime se déplace. Elle n’est pas entre « coucuts » et « souneto » mais entre « souneto » et « trompettoï ».

3.7 UNE ÉVOLUTION DANS LE CHOIX DES INSTRUMENTS

L’instrumentation de la cinquième série est différente des précédentes sous deux aspects : Canteloube utilise un orchestre de solistes chez les vents et remplace le piano par une harpe. Il gagne ainsi en intimité sans pour autant renoncer au contrepoint, très travaillé.

  • Obal, din lo coumbelo (Au loin, là-bas dans la vallée) est un chant dans un monde merveilleux, qui mêle une harmonie statique et des vocalises ondoyantes. Il s’agit de l’arbre de l’amour et des trois filles d’un prince, dont l’une pleure la disparition de ceux que l’amour mena à leur perte. Les ondes produites par la harpe et le célesta suggèrent une atmosphère magique. Au-dessus, la ligne vocale poursuit son vol, inchangée, mais Canteloube fait subtilement monter la tension à mesure que la devise du poème devient plus évidente. Il n’est pas question de chanter les dix-neuf couplets relevés dans l’Anthologie mais Canteloube propose une reprise avec un raccourci textuel édité dans la version avec piano. Il précise par ailleurs que ce chant provient de la Chanson de la Pernette, dont on trouverait l’origine au XVème siècle et qui est chère aux pèlerins de Saint Jacques de Compostelle.
  • Là-haut sur le rocher est la seule pièce qui soit chantée en français. Les paroles des Chants d’Auvergne sont le plus souvent satiriques, quelquefois tendres ou mélancoliques et parfois très gauloises. Allusions à un évènement local, esquisses d’idylle ou de satire, pleines de sel, de bon sens et de poésie, elles perdent leur signification lorsqu’on essaie d’adapter une traduction française à leur rythme, car le dialecte auvergnat, très riche, mais très concis, permet bien rarement une adaptation exacte : c’est pourquoi les traductions françaises de Canteloube ont été peu utilisées.

  • Té, l’co, té ! (Va, l’chien, va !) est le plus bref des Chants d’Auvergne mais sans doute aussi le plus moderne. C’est une simple vignette, dépourvue de forme précise, inspirée d’un jeune pâtre gardant ses vaches dans un pré et excitant son chien à ramener une bête qui s’éloigne. Canteloube réalise un tour de force en transcrivant les cris du berger. On est à la limite du chanté.
  • Uno jionto postouro (Une jolie bergère) est un « regret », chanson ou simple air de cabrette, généralement lent et mélancolique, qui servait d’accompagnement obligé à certains rites de la vie rustique : assemblées, repas de noces, fêtes, quêtes…

Le tempo très lent étire le temps en donnant une impression de grande liberté. Cette fluidité est voulue par la prosodie qui dirige la mesure et néglige les appuis. L’expression de la plainte est rendue par le chromatisme et le contrepoint qui crée, par les retards, des harmonies complexes.

  • Canteloube ne saurait terminer ses Chants d’Auvergne sans une joyeuse bourrée, bien marquée : c’est Lou dizié bé (On disait bien) où iambes et trochées rivalisent de force et d’allégresse. A soixante seize ans, il livre à la salle de concert ce dernier air, resté dans un coin de sa tête ou sur un bout de papier depuis qu’il l’a recueilli, en 1907, dans un village du Cantal.

4 – MUSIQUE TRADITIONNELLE ET PRATIQUE SAVANTE

  • Deux articles présentés en annexe de ce mémoire témoignent de querelles entre Canteloube, ses protecteurs comme le critique musical Joseph Desaymard et des folkloristes, soucieux de voir un compositeur s’emparer des objets de leurs recherches.
  • On a pu lui reprocher des contradictions quant au lieu de ses collectes ou de ne pas avoir toujours cité les sources de ses relevés par exemple. C’est pourquoi Canteloube ne s’est jamais déclaré un goût particulier pour le fastidieux travail de folkloriste, lui préférant celui du compositeur arrangeur.
  • Est-ce dénaturer la musique populaire que d’ambitionner pour elle les salles de concert, dusse t-on l’agrémenter parcimonieusement pour en justifier l’exécution ? En effet, restituer la scène rurale tel quelle est impossible sans parodier ses protagonistes. Pour que ce ne soit pas une artificielle mascarade, il faut au chant un écrin, certes respectueux de l’original mais différent, adapté au lieu de sa présentation. Pour Canteloube cet écrin est forcément celui qu’il a appris à forger à la Schola Cantorum et à l’écoute des harmonies de Maurice Ravel.
  • Bien sûr, il n’est pas douteux que le chant populaire soit monodique par essence, qu’il vive indépendamment de toute harmonie. Cet ornement extérieur, ajouté à l’élément primitif lui fait-il tort au point de l’altérer ? Assurément non, car il est très facile de s’en abstraire et le rejeter si l’on veut : ainsi, le document original subsiste dans toute sa sincérité s’il est reproduit avec exactitude et fidélité. L’enjeu du passage à l’écrit d’une musique de transmission orale est tout autre. Il nécessite l’intervention d’un collecteur qui va noter le chant selon sa propre perception, souvent terriblement mise à l’épreuve car la dictée s’avère délicate : les intonations des chants et des instruments ne sont pas à tempérament égal et c’est une gageure de concevoir une reproduction exacte sans recourir aux micro-intervalles. Quand la mélodie est trop insondable, Canteloube n’hésite pas à la « forcer » pour la rendre saisissable, quitte peut-être dans certains cas, à la réécrire complètement : c’est l’étape de l’appropriation.

Certes plus fidèle que l’oreille et la main, l’enregistrement a toutefois le même effet de figer l’interprétation d’un chant, malléable dans le temps et dans l’espace.

  • Les compositeurs des écoles nationalistes ne sont pas les premiers à s’alimenter dans le répertoire de musique traditionnelle de leur pays : les musiciens du XV ème et du XVI ème siècle empruntent parfois la mélodie de leurs chansons à un fonds préexistant d’airs religieux ou profanes (ces derniers étant le plus souvent de source populaire) qu’ils ornent de leurs contrepoints. On trouve d’ailleurs dans ce répertoire de la Renaissance les meilleures sources pour la connaissance du chant populaire à cette époque reculée.

Les musiciens comme Canteloube, n’agissent pas de façon différente et procèdent d’après les mêmes principes.

  • On n’expose pas au musée un objet qui passe quotidiennement entre nos mains, jusqu’à ce que son emploi soit révolu. Dès lors, il n’est plus apprécié pour son utilité mais uniquement pour sa beauté artistique ou sa richesse patrimoniale. Bien sûr, rien ne remplace l’expérience vécue d’une fête de village où la bourrée n’est pas là pour elle-même mais pour faire claquer les sabots sur le pavé après une dure journée aux champs. Sans doute Canteloube en a-t-il été témoin mais il a senti, comme d’autres avant lui, combien ces traditions tendaient à disparaître au contact de la révolution industrielle et de l’exode rural qu’elle a engendrés. Les auvergnats, en « montant » à Paris, ont emmené avec eux leurs instruments et leurs chants mais, détachés du contexte, ils deviennent nostalgie pour les « bougnats », curiosité pour les autres.
  • Les groupes folkloriques recréent, avec plus ou moins d’authenticité et tout à leur honneur, une tradition qui dépérit par absence de spontanéité.

Certains spécialistes (trio DCA) ont osé la délicate entreprise d’enregistrer des chants nus, dépourvus d’accompagnement, comme cela devait être si souvent le cas quand ce n’était pas une danse : voilà peut-être ce qui aurait contenté les « puristes » mais ce dont Canteloube ne pouvait se satisfaire.

D’autres enfin ont initié le mouvement « folk » en adaptant les chants, comme Canteloube l’a fait pour les oreilles de son temps, souvent avec goût mais parfois avec beaucoup moins de scrupules que lui.

Signalons enfin l’utilisation par Luciano Berio de deux des Chants d’Auvergne dans les Folk songs de 1964 : Malurous qu’o uno fenno et lo Fiolaire y apparaissent avec un accompagnement d’une grande sobriété.

Joseph Canteloube s’inscrit dans un mouvement de sauvegarde du patrimoine national.
Les Chants d’Auvergne trouvent naturellement leur place parmi un environnement sensible, intellectuel et politique qui remonte au début du XIXème siècle.

Ils sont à mi-chemin entre les nombreuses publications de mélodies collectées par Canteloube, folkloriste, dont l’Anthologie des chants populaires français constitue le sommet, et les œuvres personnelles de Canteloube, compositeur. Il s’agit d’une œuvre qui relève donc des deux aspects du personnage à la fois. « Dans une démarche que l’on qualifierait volontiers de « symbiotique », le folkloriste et le compositeur évoluent simultanément et dans une constante interaction. La bipartition entre musique populaire et musique savante, très tôt posée, ne l’est jamais en termes d’opposition mais bien en perspective de rencontre. » 9

La cause est louable : il s’agit de sauvegarder un patrimoine en péril, sans le faire mourir, en lui offrant de se perpétuer de manière vive, à travers le concert.

Un Chant d’Auvergne est un peu comme le joyau d’une vieille bague monté sur un nouvel anneau dont Canteloube est l’orfèvre. Aujourd’hui, l’anneau plaît toujours : au contact du joyau, peut-être est-il comme lui devenu éternel.

1 Conrad Laforte, La chanson folklorique et les écrivains au XIX ème siècle, 1973

2 Jean-Baptiste Bouillet, Album auvergnat, sans date, Édition Jeanne Laffitte
Côte CNSM 4O 7

3 Françoise Cougniaud-Raginel, Joseph Canteloube, chantre de la terre, 1988, Édition de la Société Musicologique du Languedoc (publication de sa thèse réalisée au Conservatoire et préfacée par Mme Marcelle Benoît)
Côte CNSM 8B 2715 ou L 28 CAN (section prêt)

4 Bernard Gavoty et Daniel Lesur, Pour ou contre la musique moderne, 1957, Édition Flammarion
Côte CNSM 8B 4630

5 La vie musicale sous Vichy sous la direction de Myriam Chimènes, article de Bernadette Lespinard, Le répertoire choral des mouvements de jeunesse, 2001, Édition Complexe (CNRS)
Côte CNSM 8B 11534

6 Joseph Canteloube, extraits de la Préface de l’Anthologie des chants populaires français, 1949, Edition Durand
Côte CNSM F 3794

7 Olivier Durif, Musique des Monts d’Auvergne et du Limousin, Édition Actes Sud
Côte CNSM L 34 DUR (section prêt)

8 Joseph Canteloube, extraits de la Préface du Recueil des chants paysans de Haute-Auvergne et de Haut-Quercy, 1907, Edition Heugel, épuisé

9 Vox populi, vox dei, Joseph Canteloube, compositeur à l’écoute des musiques traditionnelles, article de Joseph Le Floc’h, ethnomusicologue et maître de conférences à l’université de Poitiers dans la Revue d’Auvergne n°550, intitulée Musiques traditionnelles en Auvergne, 1999

  • Connaître un compositeur de ma région natale, l’Auvergne.
  • Élargir mes connaissances sur le traitement de la mélodie avec orchestre, au programme de la classe d’analyse.
  • Étudier un compositeur français attaché à un courant nationaliste comme ont pu l’être Kodaly pour la Hongrie, Smetana pour la Tchécoslovaquie…
  • Me familiariser avec des termes et des techniques d’ethnomusicologie.
  • Découvrir la musique « folk ».
  • Réfléchir sur les débats d’idées entre compositeurs et folkloristes.

Extrait du Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, tome LXIV- 1944. pp 230-233
Auteur : Joseph Desaymard
Date : 23 Avril 1944

Les réussites magnifiques de Joseph Canteloube dans ses compositions musicales construites sur de vieux thèmes populaires ne vont pas sans soulever un débat, dont il faut bien que nous touchions quelques mots. Les « arrangements » d’airs populaires dus à des artistes – même à de grands artistes, comme c’est le cas en France de Canteloube, en Russie ou en Espagne, des plus illustres maîtres de la musique russe ou de la musique espagnole moderne – ont le don de mettre en hargne les prétendus spécialistes du folklore : érudits chercheurs ou simples curieux qui se piquent de collectionner les documents de tradition populaire – mais qui au demeurant, ne sont pas forcément doués de sentiment esthétique. Pour ces folkloristes qui se veulent purement scientifiques, toute traduction en œuvre d’art d’un document de tradition populaire serait trahison. Il est bien vrai que l’utilisation de thèmes musicaux empruntés au folklore campagnard nous a valu le plus souvent de lamentables parodies, quand elle fut le fait de compositeur sans génie, sans grande science et de surcroît, sans scrupules. Toutefois, il convient d’observer que l’étude du folklore ne saurait prétendre à la rigueur scientifique – non plus qu’aucune branche des connaissances dites « sciences historiques ». Il arrive alors, justement, que l’œuvre d’art, si son auteur est un esprit hautement doué, bon observateur, savant de son art, donne au document populaire sa véritable figure, son authentique signification – pour la simple raison qu’il rend à ces vestiges du passé chaleur et vie, et leur saveur originelle. Disons tout net que les Chants d’Auvergne de Joseph Canteloube sont beaucoup plus beaux et plus vrais, sous leur revêtement d’harmonie et d’orchestration que dans les versions notées sur nature par un folkloriste qui ne serait pas en même temps un musicien éprouvé.

L’Action Française, article du 10 mars 1941 intitulé :
L’utilisation des chants populaires par Joseph Canteloube

[…] Doit-on ou non présenter les chants populaires harmonisés, c’est-à-dire avec des accompagnements de piano ou d’autres instruments ou avec des arrangements pour chœur ? Certains folkloristes prétendent que non et ne veulent pas que les musiciens touchent aux chants populaires. Ils désirent garder à ceux-ci leur caractère de documentation : à cet effet, ils les conservent, enregistrés d’après nature sur des disques de cire, dans une discothèque. Que les musiciens s’en inspirent pour y puiser les éléments d’un art, très bien, mais l’art du peuple n’a rien à faire avec eux. Pourquoi écrire des accompagnements d’ailleurs puisque le paysan chante sans être accompagné ? Gardons son chant tel que nous l’avons reçu.
Ceux qui pensent ainsi n’ont pas tout à fait tort. Sous prétexte de produire en public des chants populaires, que de truquages n’a-t-on pas faits ? Que de déformations ! On ne peut en effet toucher à cette matière si délicate qu’avec des mains pieuses et douces, « en toute pureté d’âme » ainsi que me l’écrivait Lluis Millet, l’admirateur sans égal de l’admirable Orfeo Catala de Barcelone. Mais ceci posé, je dois répondre à ceux qui désirent considérer le chant populaire d’un point de vue quasi-scientifique, que si le paysan chante sans accompagnement, ce n’est pas une raison suffisante pour l’imiter. Quand le paysan chante au labour, aux moissons, il y a, autour de son chant, tout un accompagnement que, précisément, ne « sentent » pas ceux qui veulent rester « scientifiques ». Cet accompagnement n’est entendu que des artistes et des poètes, et encore, hélas ! pas de tous. C’est la nature, c’est la terre qui le constituent, et le chant paysan ne peut en être séparé. Il faut être dénué de tout sens poétique vrai pour ne pas sentir cette ambiance lorsqu’on a la bonne fortune d’entendre – sans qu’il s’en doute – chanter un paysan au travail ! Si vous supprimez cette atmosphère, vous privez le chant d’une grande part de sa poésie, de son expression, de son sens qui lui vient de sa destination. En voulant l’enfermer tout seul dans un disque, vous êtes semblable au botaniste qui prétendrait avoir dans son herbier desséché la couleur et le parfum de la rose ou de l’œillet !
Il faut aux chants de la terre leur décor, leur cadre, leur accompagnement de nature, de plein air. Seul l’art immatériel, la musique peut, par les timbres, les rythmes, les harmonies, mouvants, impalpables, évoquer l’atmosphère nécessaire. Je dirai même qu’elle a le droit de le faire, car les chants paysans, s’élèvent bien souvent au niveau de l’art le plus pur, par le sentiment et l’expression, sinon par la forme. Wagner a écrit : « Le seul créateur de l’art est le peuple et l’unique fonction de l’artiste est de recueillir et d’exprimer la création du peuple inconscient ». Rien ne nous semble plus juste. Aussi, sans vouloir discuter le fond de la question avec les « folkloristes scientifiques », je me bornerai à soutenir mon point de vue personnel qui me parait celui de la raison et du cœur à la fois. A l’époque actuelle où l’on désire si justement répandre, proclamer, faire percevoir aux foules la grandeur, la beauté, la profondeur humaine de l’art vrai, naturel et sain du peuple français, le musicien a le droit – je dirai même le devoir – de se permettre tout ce qui, par le moyen de son art, peut contribuer à magnifier, à exalter ces admirables créations populaires que sont nos chants paysans, la plus précieuse peut être de toutes nos traditions nationales. On ne fera jamais sentir ni comprendre au public la beauté et le charme de notre folklore musical en lui présentant des disques, sorte d’herbier sonore, de conserve musical passée à l’autoclave ! Tout cela garde, certes, un puissant intérêt documentaire, mais n’a plus aucun rayonnement et paraît mort. Pour que la vie revienne, il faut autre chose ! Le chant populaire ne jouera son rôle dans le réveil de l’âme française endormie, son rôle social et national que s’il est vivant sur les lèvres des jeunes et non pas embaumé dans la cire comme une momie dans son sarcophage. Afin de parvenir à cette résurrection, ne nous privons donc ni d’harmonisations, ni d’accompagnements, ni de tout ce qui peut être nécessaire à donner la connaissance « exacte » de nos chants. J’ai souligné à dessein le mot « exact » à cause de l’emploi inconsidéré et maladroit – quand il n’est pas pire ! – qui est fait tous les jours de nos pauvres chansons jadis trop méprisées. Pour cela, comme pour toutes les questions soulevées ici, je souhaite ardemment que le Gouvernement, si soucieux de tout ce qui est français, prenne enfin les initiatives indispensables à la protection de ce qui constitue vraiment la musique nationale de la France.

Table des incipit
Table des incipit
Carte des principaux lieux de collecte
17/12/1878Mariage de Jules Canteloube de Malaret et de Marie Joséphine Garidel
21/10/1879Naissance à Annonay de Joseph Marie Canteloube de Malaret. Fils unique
1883Cours de piano avec Amélie Daetzer, amie de Chopin
1891Collège St Thomas d’Aquin à Oullins
1892Décès de sa grand-mère paternelle. Les Canteloube vont vivre à Malaret
1894Décès de son grand-père maternel, le docteur Garidel
1895Premières collectes de chants populaires
1896Décès de son père. Retour à Malaret avec le bac de philosophie
16/05/1900Décès de sa mère
1901Mariage avec Charlotte Marthe Calaret
1902Relation épistolaire avec Vincent d’Indy
1903Naissance de ses deux jumeaux, Pierre et Guy
1906Installation à Paris, 23 rue Leverrier VIème
1907Chants paysans de Haute-Auvergne et de Haut-Quercy
1907-14Études à la Schola Cantorum
1919Professeur d’Henri Sauguet
24/03/1921Décès de Déodat de Séverac
1922Vente du domaine de Malaret à la famille Delvincourt
28/01/1924Première émission radiophonique
1924Deux premières séries des Chants d’Auvergne
1925Création de La Bourrée, groupe de folklore à Paris au 13 Bd Beaumachais IVème
1927Troisième série des Chants d’Auvergne
1929Création du Mas
1930Quatrième série des Chants d’Auvergne
1933Création de Vercingétorix
1941Rejoint le gouvernement de Vichy
Articles dans « l’Action Française » et émissions radiophoniques
1947Les chants des provinces françaises (Côte CNSM 8B 3691)
1949Publication de l’Anthologie des chants populaires français (Côte CNSM F 3794)
1949Biographie de Vincent d’Indy (Côte CNSM 8B 14354)
1950Biographie de Déodat de Séverac (Côte CNSM 8B 10385 ou L 28 SEV)
1951L’Anthologie est couronnée par l’Académie des Beaux Arts
1953Décès de sa femme
1955Cinquième série des Chants d’Auvergne
Un film américain paraît sur les Chants d’Auvergne avec Kiri Te Kanawa
04/11/1957Mort à Grigny (Seine et Oise)
07/11/1957Obsèques à Notre Dame des Champs et inhumation au cimetière de Montmartre

1.1 LA PASTOURA ALS CAMPS

Quon lo pastouro s’en bo os cams,
Quon lo pastouro s’en bo os cams,
Gardo sèï mountounadoï,
Tidera la la la la la loï !
Gardo sèï mountounadoï !

Guèlo rèscoutr’ un moussurèt,
Guèlo rèscoutr’ un moussurèt,
Lou moussou l’ogatsavo,
Tidera la la la la la loï!
Lou moussou l’ogatsavo.

“Ah! Daïssa mè bous ogasta !
Ah! Daïssa mè bous ogasta !
Sès ton poulido filho !
Tidera la la la la la loï !
Sès ton poulido filho!”

“Estaco boustrè cabalet,
Estaco boustrè cabalet,
O lo cambo d’un ‘aôbré,
Tidera la la la la la loï !
O lo cambo d’un ‘aôbré !”

È lo perdri, quan lo tènio,
È lo perdri, quan lo tènio,
Guèlo s’en ès onado,
Tidera la la la la la loï !
Guèlo s’en ès onado !

LA BERGERE AUX CHAMPS

Quand la bergère s’en va aux champs,
Quand la bergère s’en va aux champs,
Garde ses brebinettes
Tidera la la la la la loï !
Garde ses brebinettes !

Elle rencontre un beau monsieur,
Elle rencontre un beau monsieur,
Le monsieur la regarde
Tidera la la la la la loï !
Le monsieur la regarde.

« Ah ! Laissez-moi vous regarder
Ah ! Laissez-moi vous regarder
Vous êtes si jolie
Tidera la la la la la loï !
Vous êtes si jolie »

« Attachez donc votre cheval
Attachez donc votre cheval
Attachez le à cet arbre
Tidera la la la la la loï !
Attachez le à cet arbre ! »

Quand il croyait tenir la belle,
Quand il croyait tenir la belle,
Elle s’est échappée,
Tidera la la la la la loï !
Elle s’est échappée !

1.2 BAILERO

Pastré, dè dèlaï l’aïo, as gaïré dé boun tèms ?
Dio lou baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
È n’aï pa gaïre, è dio, tu ?
Baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

Pastré, lou prat faï flour, li cal gorda toun troupel !
Dio lou baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
L’erb es pu fin’ ol prat d’oïci
Baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

Pastré, couci foraï, en obal io lou bel riou !
Dio lou baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
Es pèromè, té baô çirca
Baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

BAILERO

Pâtre, par delà l’eau, tu n’as guère de bon temps ?
Dis le baïlero lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
Je n’en ai guère, et toi, dis ?
Baïlero lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

Pâtre, l’herbe est en fleurs, viens y garder ton toupeau
Dis le baïlero lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
L’herbe est meilleure dans mon pré,
Baïlero lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

Pâtre, l’eau nous sépare et je ne puis traverser
Dis le baïlero lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !
Je vais descendre te chercher
Baïlèro lèro, lèro, lèro, lèro, baïlèro, lô !

1.3 L’AIO DE ROTSO

L’aïo dè rotso té foro mourir, filhoto !
L’aïo dè rotso té foro mourir, bis.
Nè té cal pas bèïr’ oquèl’, aïo, quèl’ aïo,
Mès cal prèndr’un couot d’oquèl’ aïo dè bi! bis.

S’uno filhoto sè bouol morida, pitchouno,
S’uno filhoto sè bouol morida,
Li cal pas donna d’oquèl’ aïo dè rotso,
Aïmaro miliour oquèl’ aïo dè bi ! bis.

L’EAU DE SOURCE

L’eau de la source te fera mourir, petite !
L’eau de la source te fera mourir, bis.
Ne bois pas d’eau pure, petite, petite,
Prends un coup de vin pour te faire du bien ! bis.

Quand une fille veut se marier, petite,
Quand une fille veut se marier
Il ne te faut pas lui donner de l’eau pure,
Elle aimera mieux un bon coup de bon vin ! bis.

1.4 OUND’ONOREN GORDA ?

Ound’ onorèn gorda, pitchouno droùlèto ?
Ound’ onorèn gorda lou troupèl pèl moti ?
Onorèn obal din lo ribèïrèto,
din lou pradèl l’èrb è fresquèto ;
Païssarèn loï fèdoï pèl loï flours,
Al louón dèl tsour nous forèn l’omour !

Ogatso louï moutous, pitchouno droùlèto,
Ogatso louï moutous, lèïs obilhé maï nous!
Ogatso louï fèdoï què païssou l’èrbo,
è lèïs obilhé què païssou loï flours;
naôtres, pitchouno, què soun d’aïma,
pèr viouvr’ obon lou plosé d’omour !

OÙ IRONS-NOUS GARDER ?

Où irons-nous garder, petite,
Où irons-nous garder nos troupeaux ce matin ?
Nous irons là-bas près de la rivière,
Dans la prairie l’herbe est si fraîche ;
Aux prés en fleurs nous mettrons les brebis,
Et nous ferons l’amour tout le jour !

Regarde les moutons, petite fillette,
Regarde les moutons, les abeilles, et nous !
Vois les moutons qui vivent d’herbe,
Et les abeilles qui vivent de fleurs
Mais nous, petite, qui nous aimons,
Nous vivons du plaisir d’amour !

1.5 OBAL, DIN LOU LIMOUZI

Obal din lou Limouzi, pitchoun’ obal din lou Limouzi,
Obal din lou Limouzi, pitchoun’ obal din lou Limouzi,
Sé l’io dè dzèntoï drolloï, o bé, o bé,
Sé l’io dè dzèntoï drolloï, oïçi, o bé!

Golon, ton bèlo què siascou lèï drolloï dè toun pois,
Golon, ton bèlo què siascou lèï drolloï dè toun pois,
Lous nostrès fringaïrès èn Limouzi,
Saboun miliour counta flourèt’ o bé!

Obal, din lou Limouzi, pitchouno, sé soun golon,
Obal, din lou Limouzi, pitchouno, sé soun golon,
Oïçi en Oubèrgno, dïn moun poïs,
Lous omès bous aïmoun è soun fidèls!

LA BAS, DANS LE LIMOUSIN

Là-bas, dans le Limousin, petit,
Là-bas, dans le Limousin, petit,
S’il y a de jolies filles, eh oui ! Eh oui !
S’il y a de jolies filles, ici aussi !

Galant, si les jeunes filles sont belles dans ton pays,
Galant, si les jeunes filles sont belles dans ton pays,
Les hommes de chez nous, en Limousin,
Les hommes nous aiment bien tendrement !

Là-bas, dans le Limousin, petit, plus tendres sont les galants,
Là-bas, dans le Limousin, petit, plus tendres sont les galants,
Mais ici en Auvergne, dans mon pays,
Les hommes vous aiment fidèlement !

2.1 PASTOURELLE

« È passo dè dessaï !
È passo dellaï l’aïo!
Bendras olprès de ièu,
Què d’ofaïré parlorèn,
È lou restan del jiour
N’en parlorén d’amour ! »

« Né pouodi pas passa !
Couci bouos qué iéu passi ?
N’aï pas de pount d’arcados
È n’aï pas dè batéu,
Ni máï dè pastourel
Qué mè siasco fidèl ! »

« Aurias léu un batéu
Sè tu èros poulido !
Aurias un pount d’arcados,
Aurias un pastourel
Qué té serio fidèl
È máï djusqu’al toumbel ! »

PASTOURELLE

« Ah ! Viens auprès de moi !
Et passe la rivière
Viens donc de ce côté
Car d’affaires nous parleront,
Et le restant du jour
Nous parlerons d’amour ! »

« Mais je ne puis passer !
Comment pourrais-je faire ?
Je n’ai pas de bateau
Ni de pont pour passer l’eau
Ni même de berger
Qui m’aime fidèlement ! »

« Tu aurais vite un bateau
Si tu étais jolie !
Tu aurais un pont d’arcades,
Tu aurais même un berger
Qui te serait fidèle
Jusqu’au tombeau ! »

2.2 L’ANTOUENO

Quond onorèn o lo fièïro, ié !
Quond onorèn o lo fièïro, ô !
Li onorèn tuoï dous, l’Antouèno !
Li onorèn tuoï dous.

Croumporèn uno baquetto, ié !
Croumporèn uno baquetto, ô!
La croumporèn touï dous, l’Antouèno!
La croumporèn touï dous.

La baquetto séro méouno, ié !
La baquetto séro méouno, ô !
Lèi cornoï sèroun pèr bous, l’Antouèno !
Lèi cornoï sèroun pèr bous !

L’ANTOINE

Quand nous irons à la foire, ié !
Quand nous irons à la foire, ô !
Nous irons tous deux, l’Antoine !
Nous irons tous deux.

Achèterons une vache, ié !
Achèterons une vache, ô !
Nous l’achèterons tous deux, l’Antoine !
Nous l’achèterons tous deux.

Mais la vache sera mienne, ié !
Mais la vache sera mienne, ô !
Les cornes seront pour vous, l’Antoine !
Les cornes seront pour vous !

2.3 LA PASTROULETTA
E LOU CHIBALIE

« Lougarias bous un’gardaïré, pastrouletto ? » bis.
« Né gardaraï bé prou souletto, chibalié!
Né gardarai bé prou souletto, rossignolet ! »

« E nous sièïrèn o lóumbretto, pastrouletto ? » bis.
« L’oumbretto n’ès enrousodádo, chibalié !
L’oumbretto n’ès enrousodádo, rossignolet ! »

« Obal la fouyèïr’ ès séco, pastrouletto ! » bis.
« N’i cal ana pèr un’ óurerro, chibalié !
N’i cal ana pèr un’ óurerro, rossignolet ! »

LA BERGERE ET LE CAVALIER

« Voulez-vous un petit pâtre, bergère ? » bis.
« Je garderai bien toute seule, cavalier !
Je garderai bien toute seule, rossignolet ! »

« Venez vous asseoir à l’ombre, bergère ! » bis.
« L’ombre est humide de rosée, cavalier !
L’ombre est humide de rosée, rossignolet ! »

« Là-bas la fougère est sèche, bergère ! » bis.
« Allons donc passer une heure, cavalier !
Allons passer une heure, rossignolet ! »

2.4 LA DELAISSADO

Uno pastourèlo èsper olaï al capt del bouès
Lou galan doguélo, mé né bén pas !

« Ay! souï délaïssado !
Qué n’aï pas vist lou mio galant ;
Crésio qué m’aïmábo, è ton l’aïmé ièu ! »

Luziguèt l’estélo, aquèlo què marco la nuèt,
e lo pauro pastoureletto démouret à ploura…

LA DELAISSEE

Une bergère attend, là-bas au haut du bois
Celui qu’elle aime, mais il ne vient pas !

Il m’abandonne !
Je ne vois pas mon bien aimé ;
Je me croyais aimée, et je l’aime tant !

Quand paraît l’étoile, l’étoile annonçant la nuit,
La pauvre bergerette reste seule à pleurer…

2.5 N’AI PAS IEU DE MIO

N’aï pas iéu de mio, soui qu’un pastourel ;
mè sé n’obio-z-uno li sério fidèl ;
s’obio ‘no mio qué m’aïmesse plo,
dé poutous, dé flours iéu lo coubririo !

Mè sul pount d’Entraygo n’io dous áuzelous,
né fa què canta pel lous amourous;
sès plo bertat cantarè plo lèu
pel lo gento mio qu’es olprès de ièu!

Pel lous camps d’Endoun’ io dé gentoï flours ;
soun blugoï, roujoï, e dé toutos coulours ;
li cal ana qué n’en culiaráï,
o lo ménouno mio lès pourtoráï !

JE N’AI PAS D’AMIE

Je n’ai pas d’amie, je ne suis qu’un berger,
Si j’en avais une, je serais fidèle ;
Et si mon amie m’aimait bien,
Je la couvrirai de fleurs et de baisers !

Sur le pont d’Entraygue, il y a deux oiseaux,
Ils ne chantent que pour les amoureux ;
Si la chose est vraie ils vont bientôt chanter
Pour la douce amie qui est auprès de moi !

Dans les champs d’Endoune il y a de belles fleurs ;
Des bleues, des rouges, de toutes couleurs ;
Et je m’en vais aller en cueillir
A mon amie, je les porterai !

2.6 LO CALHE

“E, dio mè tu, lo calhé, ound as toun nîou ?” bis
“Sul puèt dé lo Bostido dellaï lou rîou !” bis

“E, dio mè tu, lo calhé, qué l’o bastit ?” bis
“Es dé bourro dè lèbré è dé lopi !” bis

“E, dio mè tu, lo calhé, qué l’io dédins?” bis
“Dès ious coumo lès áutrès més plus poulits!” bis

LA CAILLE

« Eh ! dis-moi donc la caille, où est ton nid ? bis
– Au puy de la Bastide, près du ruisseau ! bis

– Eh ! dis-moi donc la caille, en quoi est-il ? bis
– Il est en poil de lièvre et de lapin ! bis

– Eh ! dis-moi donc la caille, qu’y a t-il dedans ? bis
– Des oeufs comme les autres mais plus jolis ! » bis

3.1 LO FIOLAIRE

Ton qu’èrè pitchounèlo,
Gordavè loui moutous.
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

Obio ‘no counoulhèto
è n’ai près u postrou.
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

Per fa l’obiroudèto
Mè domound’ un poutou.
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

È ièu soui pas ingrato,
Èn lièt d’un n’in fau dous!
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

LA FILEUSE

Tant que j’étais petite,
Je gardais les moutons
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

J’avais une quenouille
Et je pris un berger
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

Pour garder mes moutons
Il me demande un baiser
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara !

Je ne suis pas ingrate,
Au lieu d’un j’en donne deux !
Ti lirou lirou… la la diri tou tou la lara!

3.2 PASSO PEL PRAT

Lo lololo lo, etc.

Passo pel prat, béloto,
Ièu possorai pel bouos ;
Quon li séras, pouloto,
Mesperoras se vouos !

Lo lololo lo, etc.

Nous porlorén, filhoto,
Nous porlorén toui dous ;
Qu’os toun amour, drouloto,
Què mé foro hurous !

Lo lololo lo, etc.

VIENS PAR LE PRE

Lo lololo lo, etc.

Viens par le pré, ma belle,
Je viendrai par le bois ;
Quand tu y s’ras, mignonne,
Tu m’attendras si tu veux !

Lo lololo lo, etc.

Nous parlerons, fillette,
Nous parlerons tous deux ;
C’est ton amour, petite,
Qui me rendra heureux !

Lo lololo lo, etc.

3.3 LOU BOUSSU

Dzanètou tsou ‘l poumiéirou
Què sé souloumbravo,
Què sé souloumbravo si,
Què sé souloumbravo la,
Què sé souloumbravo.

Oqui possèt un boussu
Què lo mirolhavo,
Què lo mirolhavo si,
Què lo mirolhavo la,
Què lo mirolhavo.

Ah! Poulido Dzanètou !
Bous sèrès lo mèouno !
Bous sèrès lo mèouno si,
Bous sèrès lo mèouno la,
Bous sèrès lo mèouno !

Per qué ieu lo bouostro sio
Cal coupa lo bosso !
Cal coupa lo bosso si,
Cal coupa lo bosso la,
Cal coupa lo bosso !

Oï ! Pècaïré, Dzanètou !
Gordorai mo bosso !
Gordorai mo bosso si,
Gordorai mo bosso la,
Gordorai mo bosso !

LE BOSSU

Jeanneton sous un pommier
Se repose à l’ombre.
Se repose à l’ombre ci,
Se repose à l’ombre là,
Se repose à l’ombre.

Vient à passer un bossu
Et il la regarde.
Et il la regarde ci,
Et il la regarde là,
Et il la regarde.

Ah ! Gentille Jeanneton !
Veux-tu être mienne ?
Veux-tu être mienne ci ?
Veux-tu être mienne là ?
Veux-tu être mienne ?

Eh ! Pour que je sois à vous,
Coupez votre bosse !
Coupez votre bosse ci,
Coupez votre bosse là,
Coupez votre bosse !

Aie ! Au diable, Jeanneton !
Je garde ma bosse !
Je garde ma bosse ci,
Je garde ma bosse là,
Je garde ma bosse !

3.4 BREZAIROLA

Soun, soun, béni, béni, béni ;
Soun, soun, béni, béni, doun,
Soun, soun, béni, béni, béni ;
Soun, soun, béni, d’èn docon !
Lou soun, soun, bouol pas béni, pécairé !
Lou soun soun bouol pas béni.
Lou néni s’en bouol pas durmi ! Oh !

Soun, soun, béni, béni, béni ;
Soun, soun, béni, béni, doun,
Lou soun, soun bouol pas béni.
L’èfontou bouol pas durmi !
Soun, soun, béni, béni, béni ;
Soun, soun, béni, o l’èfon ! Oh ! Oh !

Soun, soun, béni, etc.
Atso lo qu’es poroqui, pécairé !
Atso lo qu’ès por oqui,
Lou néni s’en boulio durmi… Ah !

BERCEUSE

Viens, viens sommeil,
Descends sommeil, viens donc !
Viens, viens sommeil,
Descends sommeil, viens d’où tu voudras !
Le sommeil n’arrive pas, le pauvre !
Le sommeil n’arrive pas,
Le petit ne s’endort pas ! Oh !

Sommeil, descends, descends vite ;
Sommeil, viens donc par ici !
Mais il ne veut pas venir,
L’enfant ne veut pas dormir !
Sommeil, descends, descends vite ;
Sommeil, viens donc vers l’enfant ! Oh ! Oh !

Viens, viens, etc.
Il arrive, le voici, le pauvre !
Il arrive, le voici,
Et l’enfant veut s’endormir… Ah !

3.5 MALUROUS QU’O UNO FENNO

Malurous qu’o uno fenno,
Malurous qué n’o cat ! bis.
Qué n’o cat n’en bou uno,
Qué n’o uno n’en bou pas !
Tradèra, ladèri dèrèro ladèra, ladèri dèra. bis.

Urouzo lo fenno
Qu’o l’omé qué li cau ! bis.
Urouz’ inquèro maito
O quèlo qué n’o cat !
Tradèra, ladèri dèrèro ladèra, ladèri dèra. bis.

MALHEUREUX QUI A UNE FEMME

Malheureux qui a une femme
Malheureux qui en a pas ! bis.
Qui en a pas en veut une
Qui en a une n’en veut pas !
Tradèra, ladèri dèrèro ladèra, ladèri dèra. bis.

Heureuse la femme
Qui a l’homme qu’il lui faut ! bis.
Mais encore plus heureuse
Celle qui n’en a pas !
Tradèra, ladèri dèrèro ladèra, ladèri dèra. bis.

4.1 JOU L’POUNT D’O MIRABEL

Jou l’pount d’o Mirabel
Cotorino lobabo, bis.

Bengèrou o possa
Très cobolhès d’ormado, bis.

Jou l’pount d’o Mirabel
Cotorino plourabo, bis.

AU PONT DE MIRABEL

Au pont de Mirabel
Catherine, un jour, lavait, bis.

Y vinrent à passer
Trois cavaliers d’armées, bis.

Au pont de Mirabel
Catherine alors pleurait, bis.

4.2 OI AYAI

« Oï ayaï,
Couçi ièu foraï ?
N’aï pas de couoïffo. »

Pierrou bo’lo fièyro,
Pierrou lo li croumpo,
Pierrou lo li pourto,
Pierrou lo li doun’,
Inquèr’ès pas lèvado,
Dzomaï ne se lèvo !
« Lèvo, lèvo, lou dzour bè !
Morgoridoto, lèvotè ! »

« Oï ayaï,
Couçi ièu foraï ?
N’aï pas de coutilhoul ! »

Pierrou bo’lo fièyro,
Pierrou lo li croumpo,
Pierrou lo li pourto,
Pierrou lo li doun’,
Inquèr’ès pas lèvado,
Dzomaï ne se lèvo!
« Lèvo, lèvo, lou dzour bè !
Morgoridoto, lèvotè ! »

« Oï ayaï,
Couçi ièu foraï ?
N’aï pas de comio ! »

Pierrou bo’lo fièyro,
Pierrou lo li croumpo,
Pierrou lo li pourto,
Pierrou lo li doun’,
Inquèr’ès pas lèvado,
Dzomaï ne se lèvo!
« Lèvo, lèvo, lou dzour bè !
Morgoridoto, lèvotè ! »

« Oï, moun Diou !
Que fo frèt,
Me cal quitta lou lièt ! »

Prenguet lo comiò,
E maï lou coutilhou,
E maï lou boborel,
E maï lou moutsodou,
E sés poulidos caussos.
E metèt la couoiffo.
« Que soui bèlo! »
So diguèt,
E Morgorido se lévèt.

OI AYAI

« Oh ! Yayaï,
Qu’est-c’que je ferai ?
Je n’ai pas de coiffe ! »

Pierre va’ la foire,
Pierre la lui achète,
Pierre la lui porte,
Pierre la lui donne,
Elle n’est pas levée,
Jamais ne se lève !
« Lève, lève, le jour vient !
Eh ! Marguerite, lève toi ! »

« Oh ! Yayaï,
Qu’est-c’que je ferai ?
Je n’ai pas de jupon ! »

Pierre va’ la foire,
Pierre la lui achète,
Pierre la lui porte,
Pierre la lui donne,
Elle n’est pas levée,
Jamais ne se lève !
« Lève, lève, le jour vient !
Eh ! Marguerite, lève toi ! »

« Oh ! Yayaï,
Qu’est-c’que je ferai ?
Je n’ai pas de chemise ! »

Pierre va’ la foire,
Pierre la lui achète,
Pierre la lui porte,
Pierre la lui donne,
Elle n’est pas levée,
Jamais ne se lève !
« Lève, lève, le jour vient !
Eh ! Marguerite, lève toi ! »

« Oï, mon Dieu !
Qu’il fait donc froid !
Il faut quitter le lit ! »

Ell’ prit la chemise,
Et le cotillon,
Et le babarel,
Et puis le mouchoir,
Et les pantalons,
Et se mit la coiffe.
« Que je suis belle !»
A-t-elle dit,
Et Marguerite se leva.

4.3 POUR L’ENFANT

Soun, soun, minou minàuno,
Soun, soun, bèi o l’èfon ! bis.
Mè lou soun soun bo pas bèni,
Minàuno soun, minou minàuno,
Mè lou soun soun bo béni,
Lou nostre èfon po pas durmi !

Soun, soun, etc.
Passo tsou lo t’àul’ e tsou l’bonc,
Minàuno soun, minou minàuno,
Passo tsou lo t’àul’e tsou l’bonc
Minàuno soun, bèi o l’èfon !

POUR L’ENFANT

Sommeil, minou minàuno,
Sommeil, viens à l’enfant ! bis.
Mais le sommeil n’arrive pas
Vilain sommeil, minou minàuno,
Mais le sommeil n’arrive pas,
Et notre enfant ne s’endort pas !

Sommeil, etc.
Passe sous la table et sous l’banc,
Vilain sommeil, minou minàuno,
Passe sous la table et sous l’banc,
Vilain sommeil, viens à l’enfant !

4.4 TCHUT, TCHUT

Mon païré mé n’o lougado, bis.
Per ona gorda lo bacado,
Tchut, tchut, tchut !
Tchut, tchut,
Que z’o cal pas diré !
Tchut, tchut,
Mènès pas ton dè brut ! Bis.

Né l’i soui pas to lèu estado, bis.
Què moun golont m’o rencountrado,
Tchut, etc.

N’aï pas ièu fatso de fuzados, bis.
Cou m’o fat guel de poutounados !
Tchut, etc.

Sé n’io bè de miliour couóïfado, bis.
N’io pas de miliour embrassado !
Tchut, etc.

CHUT, CHUT

Mon père m’a trouvé un’ place, bis.
C’est pour aller garder les vaches,
Chut, chut, chut !
Chut, Chut,
Il faut pas le dire !
Chut, Chut,
Faites pas tant de bruit ! Bis.

N’y suis pas plus tôt arrivée, bis.
Que mon galant m’a rencontrée,
Chut, etc.

Ne fit pas tant de fuselées, bis.
Que lui me donna d’embrassades !
Chut, etc.

S’il y a des filles mieux coiffées, bis.
A embrasser sont pas meilleures !
Chut, etc.

4.5 PASTORALE

« Baïlèro, lèro, lèro !
Pastre, de dèlaï l’aïo ! bis.
As pas vist posa lo lèbré qu’onavo mèdré,
Lou bouon entré los combos dé do bon,
Lou coudie entré los combos dé dorriè,
Lou poumpo sú l’esquino,
Lo claù ol tráu,
Lou baïlèro, lèro !
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô! »

« Aï fa maï qué lou béïré
Possa qué l’aï ottropat,
Lou baïlèro, lèro !
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

« Baïlèro, lèro, lèro !
Pastre, de dèlaï l’aïo ! bis.
E du qu’as fat de lo pèl ?
De qu’as fat de las oùrilhas ?
E qu’as fat de lo quió ?
De qu’as fat de tout oquó ?
Dió, lou baïlèro, lèro ?
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

« De lo pèl n’aï fat un montel !
De las oúrilhas n’ai fat un porel de mithos !
E de lo quió uno troumpetto !
Sé les mé vouós croumpa
Tè les pourtoraï,
Dió, lou baïlèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

PASTORALE

« Baïlèro, lèro, lèro!
Pâtre, par delà l’eau ! bis.
As-tu vu passer le lièvre, allant moissonner,
La faucille entre les pattes de devant,
L’affûtoir entre les pattes de derrièr’
La brioch’ sur le dos,
La clef accrochée,
Le baïlèro, lèro !
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

« J’ai fait mieux que le voir passer,
je l’ai attrapé, dis,
le baïlèro, lèro !
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

« Baïlèro, lèro, lèro!
Pâtre, par delà l’eau ! bis.
Eh ! Qu’as-tu fait de la peau ?
Qu’as-tu fait de ses oreilles ?
Eh ! Qu’as-tu fait de la queue ?
Qu’as-tu donc fait de tout ça ?
Dis, le baïlèro, lèro ?
Lèro, lèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

« De la peau j’ai fait un manteau !
Des deux oreilles, j’ai fait une pair’ de gants !
Et de la queue une trompette !
Veux-tu les acheter ?
Je te les porterai,
Dis, le baïlèro, lèro, etc.
Baïlèro lô ! »

4.6 LOU COUCUT

Lou coucut oqu’os un auzel
Que n’io pas capt plus de to bel
Coumo lou coucut qué canto,
Lou mió coucut, lou tió coucut, bis.
E lou coucut dès autrès !
Dió ; Obès pas èntendut canta lou coucut ?

Per obal ol found del prat,
Sé nio un àubré flourit è gronat,
Qué lou coucut l’i canto.
Lou mió coucut, lou tió coucut, bis.
E lou coucut dès autrès.
Dió ; Obès pas èntendut canta lou coucut ?

E se toutse les coucuts
Boulioù pourta souneto.
O ! forióu çin cent troumpetoï !
Lou mió coucut, etc.

LE COUCOU

Le coucou c’est un bel oiseau
Il n’y en a pas de si beau
Que le coucou qui chante,
Que mon coucou, que ton coucou, bis.
Que le coucou des autres !
Dis ? N’as-tu pas entendu chanter le coucou ?

Par là-bas, au fond du pré
Il y a un arbre fleuri et grenat,
Et le coucou y chante.
C’est mon coucou, c’est ton coucou, bis.
C’est le coucou des autres.
Dis ? N’as-tu pas entendu chanter le coucou ?

Et, bien sûr, si tous les coucous
Voulaient porter sonnette,
Oh ! Feraient cinq cents trompettes !
C’est mon coucou, etc.

5.1 OBAL, DIN LO COUMBELO

Obal, din lo coumbèlo,
Tro lo lo lo lo lèro lô!
Obal, din lo coumbèlo,
L’y o un poumié d’omour, bis.

Los très filhoy del Prince,
Tro lo lo, etc.
Los très filhoy del Prince,
L’y soun o l’oumbro dejiou, bis.

N’y o duoy qué rizou è contou,
Tro lo lo, etc.
N’y o duoy qué rizou è contou,
L’autro plouro toutjiour, bis.

AU LOIN, LA BAS, DANS LA VALLEE

Au loin, là-bas, dans la vallée
Tro lo lo lo lo lèro lô!
Au loin, là-bas, dans la vallée
Y a un pommier d’amour, bis.

Les trois filles du Prince,
Tro lo lo, etc.
Les trois filles du Prince,
Y sont à l’ombre dessous, bis.

Sont deux qui chantent et rient,
Tro lo lo, etc.
Sont deux qui chantent et rient,
Mais l’autre pleure toujours, bis.

5.2 QUAND Z’EYRO PETITOUNE

Quand z’eyro petitouno,
Ma miouna bourda do viouletta,
Quand z’eyro petitouno,
M’appelavoun Nanetou
M’appelavoun Nanetou, bis.

N’en garda valas oulhas,
Ma miouna bourda do viouletta,
N’en garda valas oulhas,
A l’oumbretto d’in bouissou,
A l’oumbretto d’in bouissou, bis.

Le bouissou fay flouquetto,
Ma miouna bourda do viouletta,
Le bouissou fay flouquetto,
N’en dormiguèré dessous,
N’en dormiguèré dessous, bis.

Très cavalhès passèroun,
Ma miouna bourda do viouletta,
Très cavalhès passèroun,
Diguèroun : « Belle, bonjour ! »
Diguèroun : « Belle, bonjour ! bis.

– Passas, passas au lardji !
Ma miouna bourda do viouletta,
– Passas, passas au lardji !
Mes amours soun pas per vous ! »

LORSQUE J’ETAIS PETITE

Lorsque j’étais petite,
Ma mignonne entourée de violettes,
Lorsque j’étais petite,
On m’appelait Nanon
On m’appelait Nanon, bis.

Et je gardais les bêtes,
Ma mignonne entourée de violettes,
Et je gardais les bêtes,
A l’ombrage d’un buisson,
A l’ombrage d’un buisson, bis.

Il avait des fleurettes,
Ma mignonne entourée de violettes,
Il avait des fleurettes,
Et je m’endormis dessous.
Et je m’endormis dessous, bis.

Trois cavaliers passèrent,
Ma mignonne entourée de violettes,
Trois cavaliers passèrent,
Me disant : « Belle, bonjour ! »
Me disant : « Belle, bonjour ! bis.

– Passez, passez au large !
Ma mignonne entourée de violettes,
– Passez, passez au large !
Mon amour n’est pas pour vous ! »

5.3 LA HAUT, SUR LE ROCHER

Là-haut, sur le rocher,
Là-haut, sur la montagne,
Une jolie bergère gardait ses blancs moutons
Sur l’herbe du gazon.

Un jeune homme passa, c’était un militaire
C’était un militaire revenant de l’armée,
Voulant se marier.

Aussitôt qu’il l’a vue, il s’est assis près d’elle,
Il s’est assis près d’elle, et lui a demandé :
« Etes-vous mariée ? »

– Mariée, je le suis, pas à ma fantaisie
Pas à ma fantaisie :
J’ai pris vieillard jaloux
Qui n’a pas mes amours !…

– Eh ! Laisse le venir !
J’ai de quoi nous défendre !
J’ai pistolet en poche et mon fusil garni ;
Eh ! Laisse le venir !

5.4 HE ! BEYLA Z Y DAU FE

Hé ! Beyla-z-y dau fé an a quel azé !
Hé ! Beyla-z-y dau fé, mandjara bé ! bis.
Lou paubré, par trabalha embé par viauré
Faut bé madja ! bis.

La vedza pas véni, la miéna drolla,
La vedza pas véni de vé mouli, bis.
Couradgé, paubre garçon,
Embé’na drolla, nous danserons ! bis.

Fatcha peta lous pèys, la Montagnarda !
Fatcha peta lous pèys sur le pavey ! bis.
Pachènço, paubre garçon
La jeuna drolla, elli a razon ! bis.

HE ! DONNEZ LUI DU FOIN

Eh ! Donne lui du foin, à ce pauvre âne !
Eh ! Donne lui du foin, mangera bien ! bis.
Le pauvre, pour travailler comme pour vivre
Faut bien manger ! bis.

Je ne vois pas venir ma bonne amie,
Ne la vois pas venir de Moulin, bis.
Courage, pauvre garçon,
Avec un’ fille, nous danserons ! bis.

Ell’ fait taper des pieds la Montagnarde !
Ell’ fait taper des pieds sur le pavé ! bis.
Patience, pauvre garçon
La jeune fille, elle a raison ! bis.

5.5 PASTOURO, SE TU M’AYMO

Pastouro, sé tu m’aymo,
Souladjé lou mió mal !
Croumporès uno raubo,
Un poulit dobontal ;
E lèys autrès pastourélos
N’auron pas un oytal !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

Pastouro, sé tu m’aymo,
Souladjé lou mió mal !
Toutoï ley flours noubélos,
T’en foray un romèl,
E leys autres pastourélos
N’auron pas un ton bel !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

Lèys ogassos t’èn cridoun :
« Mio, rébilhoté ! »
E! daysso leys ogassos,
Omay les ogassous !
E tenèn nostré proumesso :
Nous cal ayma tony dous !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

BERGERE, SI TU M’AIMES

Bergère, si tu m’aimes,
Soulages donc mon mal !
Tu auras une robe,
Un joli tablier ;
Et les autres pastourelles
N’auront pas un si beau !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

Bergère, si tu m’aimes,
Soulages donc mon mal !
De toutes fleurs nouvelles,
Je ferai un bouquet,
Et les autres pastourelles
N’auront pas un si beau !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

Entends crier les pies :
« Ma mie réveille-toi ! »
Eh ! Laisse donc les pies
Ainsi que leurs petits !
Et tenons notre promesse :
Aimons nous tous les deux !
Ti ouli ouli ouli ouli ouli oula ! etc.

5.6 TE, L’CO, TE !

Tè, l’co, tè ! etc.
Arresto lo baco !
Atsolo qué s’èn bo !
Dió! Dió !
Camino, camino, etc.
Pecayré !
Té ! Biro lo roudzo, etc.
Prrr…
Es aquo !
Dayssolo !
Bèni, bèni, bèni tè !

VA, L’CHIEN, VA

Va, l’chien, va ! etc.
Arrête la vache !
La vois-tu qui s’en va ?
Dis ? Dis ?
Galope, galope, etc.
Va vite !
Va ! Tourne la rouge ! etc.
Prrr…
C’est bien ça !
Laisse la !
Viens, viens, viens !

5.7 UNO JIONTO PASTOURO

Uno jionto pastouro
Un d’oquècé motis,
Ossitado su l’erbèto,
Plouro soun bel omi !

« Garo, sério bé ouro
Qué fougesso tournat !
Cáuco pastouro mayto
Soun cur auro dounat ! »

« Ah! pauro pastourèlo !
Délayssado soui yèn
Coumo lo tourtourèlo
Qu’o perdu soun poriou ! »

UNE JOLIE BERGERE

Une jolie bergère
Par un de ces matins,
Sur l’herbe était assise
Pleurant son grand ami !

« Maintenant, c’est bien l’heure
De le voir revenir !
A quelque autre bergère
Il aura donner son coeur ! »

« Ah ! Pauvre pastourelle !
Me voilà délaissée
Comme la tourterelle
Qui a perdu son compagnon ! »

5.8 LOU DIZIOU BE

Lou diziou bé, Pierrou qu’aymay les drolloy,
Lou diziou bé, Pierrou qu’aymay lou bi !
You z’aymé tout, Lou bi t omay ley drolloy,
Mè per cauzi, Preferorio lou bi !

E leys omours Bostidos su ley cèndré,
Ley foundomèn Soun prousudjèt ol bènt !
Sè lou bènt Emportoro ley cèndré,
May yèu to bé Toujour din ley trumèns !

Lou m’as ogut, Pierrou, lou cur engadgé ;
Lou m’as ogut, Né t’èro pas detsut !
Sé djomay pus, Oquo né t’orribabo,
Omb’ lou coutel T’escourgorio lo pel !

ON DISAIT BIEN

On disait bien que tu aimais les filles,
On disait bien que tu aimais le vin !
Moi j’aime tout, le vin et puis les filles
Mais à choisir, j’aimerais mieux le vin !

Si les amours sont bâties sur les cendres,
Leurs fondements sont bien soumis au vent !
Si le vent souffle, il emporte les cendres,
Et moi je suis toujours dans les tourments !

Tu me l’as pris, Pierrot, le cœur en gage ;
Tu me l’as pris, il ne t’était pas dû !
Si jamais plus, Pierrot, tu recommences,
De mon couteau j’écorcherai ta peau !

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